Christine Calonne, psychologue spécialisée dans l'aide aux victimes de pervers narcissiques, vous propose des pistes de réflexion pour mieux comprendre les étapes de la guérison d'un stress post-traumatique consécutif à la relation à un pervers narcissique.
Le DSMV le décrit comme un état consécutif à une expérience de menace de mort et c'est bien ce dont il s'agit dans la relation à un pervers narcissique. Cette personnalité désire tuer le psychisme de l'autre, ou le tuer physiquement parfois, pour s'approprier ses qualités et se valoriser à ses dépends. L'état de stress post-traumatique se traduit par l'apparition de souvenirs répétitifs involontaires, de flashbacks liés au traumatisme avec des sentiments intenses de détresse prolongée, des réactions physiologiques de stress chronique, des somatisations, un évitement des situations, personnes, lieux, objets, vécus internes qui le rappellent. La personne a oublié des parties de ce traumatisme, mais a élaboré des croyances négatives sur elle et sur le monde (je suis nul, coupable, mauvais, le monde est mauvais, ...). Elle anticipe aussi négativement le futur et se blâme ou blâme autrui, vit globalement des émotions pénibles (honte, sentiment d'humiliation, crainte, horreur, colère, peur, culpabilité, tristesse, dégoût de soi) ou bien se dissocie de celles-ci, parfois jusqu'à la dépersonnalisation. Elle perd l'intérêt pour des activités qu'elle aimait, ou diminue ses activités, se détache des autres, se sent incapable de vivre des émotions agréables. Elle peut se sentir irritable et parfois violente, autodestructrice. Elle a des réactions d'hypervigilance, sursaute facilement, éprouve des difficultés de concentration, de mémoire, de sommeil, ...
C'est une personnalité basée de façon constante sur le désir de pouvoir, de se valoriser au détriment d'autrui quitte à détruire toute ce qui lui fait de l'ombre. L'autre n'existe pas pour ce type de personnalité, car elle ne peut accepter la différence. Toutes les stratégies de manipulation sont mises en oeuvre pour y arriver et cela se traduit par un clivage de la personnalité : Deux visages, des phases de séduction et des phases de destruction. Cela se traduit aussi par le déni : Déni de sa manipulation, des ses comportements destructeurs, déni de l'autre, de la différence, de la souffrance, de la sensibilité, de la loi, déni du déni, ... Ce clivage et ce déni permettent au pervers narcissique de refuser de toute remise en question et de tout traitement, sauf s'il y a un intérêt caché.
La première phase est la prise de conscience des agressions subies. à travers la reconstruction des faits, un récit de l'évolution de cette relation et ensuite de sa vie. La victime en état de stress post-traumatique ne perçoit pas les agressions physiques ou psychologiques, car elle est culpabilisée, manipulée, dévalorisée, mise sous emprise par son agresseur. Le pervers narcissique se positionne en victime et fait croire à la victime que c'est lui qui est agressé, maltraité, ... Il souffle le chaud et le froid pour l'empêcher de penser, de comprendre, la rendre confuse, la mettre en doute. La victime s'est habituée à ce fonctionnement et tente d'apaiser son agresseur par des comportements de soumission, mais sans succès. Cela augmente sa culpabilité, son sentiment de non valeur, son stress post-traumatique. L'entourage, une lecture, un film peuvent lui faire prendre conscience des agressions, la déculpabiliser et la revaloriser, l'aider à découvrir le fonctionnement du pervers narcissique afin de l'acheminer vers la guérison.
Si l'entourage lui signale les changements dans son apparence (éteinte, repliée sur elle, sans soin pour elle-même, sans amis, sans ressources financières si elle a été exploitée à ce niveau, ...), la victime peut se poser des questions.
Mais, si elle s'est habituée à subir l'emprise, elle a du se dissocier de son vécu interne pour survivre à son état de stress post-traumatique. Elle n'arrive pas à se reconnecter à elle-même, à ses émotions, ses sentiments, ses valeurs, ses conflits intérieurs, par peur de ne pouvoir le supporter ou par peur de la réaction de son agresseur. La première phase est donc une prise de conscience de son vécu de dissociation qui peut aller jusqu'à la dépersonnalisation. Le stress post-traumatique peut entraîner un état dépressif (fatigue, culpabilité excessive, perte d'estime de soi, image négative du futur, perte de l'appétit, du sommeil, idées suicidaires, ...). Aider la victime à prendre conscience de cet état peut l'aider à consulter et à évoluer vers la guérison. Mais, comme elle est sous emprise, elle peut résister au changement pour défendre , excuser, tenter de sauver son agresseur (Syndrome de Stockholm). Cela demande du temps et de la patience.
La victime peut consulter pour se faire aider et se reconnecter à elle-même. Elle peut ainsi découvrir les traumas enfouis, les rôles qu'elle a endossés dans son présent, son passé et qui l'ont déconnectée d'elle-même. Elle peut percevoir quelles sont les émotions, sentiments, ressentis dont elle a du se dissocier afin de les évacuer. Elle peut les relier aux agressions présentes et peut-être aussi à des agressions du passé qui l'ont fragilisée et prédisposée à devenir la proie d'un pervers narcissique (abus narcissiques ou sexuels, inceste, ou incestuel).
Quels sont ces rôles joués durant son enfance ? Si dans son enfance, la victime a du jouer le rôle de confident d'un parent (abus narcissique), le pervers narcissique a utilisé cette faille en se positionnant en victime qui jouera le rôle de confident-sauveur-protecteur avec lui. Si dans l'enfance, la victime a adopté le rôle de l'enfant parfait pour éviter la violence d'un parent narcissique ( être le faire valoir de ce parent, être gentil, performant, ne jamais exprimer d'émotion ni de souffrance, ne jamais être soi-même, ni s'affirmer, ni être en désaccord, ...), cet enfant devenu adulte a été repéré par le pervers narcissique qui a utilisé cette faille en le culpabilisant, en pointant ses erreurs, en disqualifiant toute expression de souffrance, ... Si la victime jouait le rôle de médiateur entre ses parents dans l'enfance, elle est utilisée par le pervers narcissique comme outil, car cet enfant devenu adulte cherche la paix à tout prix, quitte à se soumettre. Si la proie du pervers narcissique a été le bouc émissaire de sa famille, elle est utilisée par le pervers narcissique comme poubelle à défouler ses tensions, sa violence, car elle a du mal à se protéger et se culpabilise vite. Repérer et guérir toutes ces failles est salvateur. La victime peut avec une aide s'autoriser à se donner tous les droits que son agresseur lui avait refusés, s'autoriser à guérir : Droit de vivre, d'être libre, heureuse, elle-même, respectée, ...
Elle peut aussi se faire aider pour mobiliser ses ressources enfouies et pouvoir digérer ces traumatismes horribles.
Sa reconstruction passe par l'apprentissage de la contre-manipulation, apprendre à se protéger du pervers narcissique qui perçoit tout de suite que sa proie l'a démasqué. Il ne peut supporter toute différenciation et va tenter de récupérer l'emprise sur celle-ci par la manipulation, des comportements de reséduction. Mais, si c'est peine perdue, il peut devenir harcelant, agressif et montrer son vrai visage destructeur. Se protéger nécessite de ne plus donner d'informations sur soi, car le pervers narcissique les utilise au détriment de la victime. Cela implique aussi de ne parler que de faits, de banalités, de s'exprimer de façon floue, par l'humour, ... Il est important de se protéger en observant si la surveillance de l'agresseur ne se fait pas par des logiciels espions sur l'ordinateur, le gsm, le téléphone, ... Il est important de veiller à l'administratif : Y a-t-il des vols, des faux et usages de faux, des fausses signatures, ... La victime peut rétablir la vérité auprès des proches qui peuvent aussi être manipulés ou ne pas comprendre et isoler la victime. La reconstruction passe par la reconnexion à la vie en soi et autour de soi : Accepter ses émotions, son stress, s'en libérer par l'écoute d'une personne bienveillante, sans jugement, accepter le temps perdu, les pertes dues à cette emprise qui a pu durer des années, prendre soin de son corps, ... C'est un travail de deuil. La victime peut alors élaborer de nouveaux projets de vie en accord avec les valeurs, les goûts, les aspirations qu'elle avait perdues.
Pour en savoir plus, vous pouvez lire mes livres "Les pervers narcissiques, 100 questions/réponses" (éd. Ellipses, 2016, Christine Calonne) et "Les violences du pouvoir" (éd. L'Harmattan, 2005, Christine Calonne). Pour me contacter, vous pouvez remplir le formulaire contact de mon site www.psychotherapie-calonne.be, ou appeler Christine Calonne : 0498322687.