La notion de famille dysfonctionnelle a été longuement décrite dans la recherche en psychologie ces dernières années. David Olson, psychologue canadien, décrit ce mode de fonctionnement. Il se traduit par le manque de cohésion familiale et d'adaptabilité (1985).
Ce manque de cohésion se révèle par le peu de force du lien parent/enfant. Il se traduit par l'absence de coopération, de chaleur affective, de soutien émotionnel, de dialogue, d'empathie, d'organisation pour la sécurité et le bien-être des enfants.
Le manque d'adaptabilité est une incapacité à faire face au changement. Cela entraîne des comportements préjudiciables pour créer de la sécurité au sein de la famille.
Fabienne a développé, en grandissant, un trouble de l’attachement insécure désorganisé, car elle a grandi dans une famille dysfonctionnelle. Fabienne était isolée et rejetée à l’école, car elle était très performante sur le plan scolaire. Certains la traitaient, par exemple, d'"intello". Cette situation a amené ses parents à lui faire passer le test de QI à 5 ans. Son QI a été évalué à 150, très au-dessus de la moyenne. Cela expliquait aussi pourquoi elle s’ennuyait à l’école. Son père a décidé de lui apprendre à jouer aux échecs. Comme elle était trop jeune, elle faisait des erreurs. Son père hurlait et la critiquait. Il a utilisé les résultats au test de QI pour faire de sa fille un faire-valoir. Elle n'avait pas droit à l'erreur. Elle devait être parfaite. Elle a été conditionnée par ses parents à nier ses émotions, car ils ne les accueillaient pas. Par exemple, son père se moquait d’elle en lui faisant des grimaces pour lui faire sentir qu’elle était moche, lorsqu’elle était joyeuse et riait. Elle ne pouvait pas rire avec insouciance. Dans sa famille, il était dangereux d'être spontanée et vraie. Elle a appris à se suradapter aux attentes familiales. Elle avait du mal à identifier ses émotions et à les nommer au début de sa psychothérapie. Elle se sentait divisée entre une partie forte, la partie "parfaite" et une partie faible, la partie vulnérable et sensible. Elle percevait sa partie forte comme un « jumeau maléfique », car elle aurait pu écraser les autres, comme ses parents l’ont écrasée par leurs violences psychologiques, verbales et physiques. Ce « jumeau maléfique » correspondait à un mécanisme de survie, le combat. Il la protégeait de la peur d’être impuissante face à la violence. En grandissant, elle a choisi sa part "faible", hypersensible. Elle considérait que c'était un choix. Elle avait appris à être parfaite selon les exigences de ses parents, pour survivre à ses carences affectives et à ses peurs. La peur d'être incapable était liée au fait qu'elle n'avait pas été légitimée dans ce qu'elle était durant son enfance et son adolescence par ses parents. Par exemple, elle a dû jouer le rôle de maman pour ses soeurs, étant très jeune, car sa mère s'est effondrée dans la dépression lorsque son père les a abandonnées pour partir avec une de ses maîtresses. Sa mère ne s'occupait pas du quotidien. Elle n'avait pas pu s'adapter au changement, suite à la séparation conjugale. Fabienne a dû être adulte avant l'âge. Elle n'osait pas dire "non" et affirmer ses besoins, car elle avait été souvent humiliée par ses parents. Son désir de perfection était revendiqué par sa partie combative, "le jumeau maléfique". Il lui faisait ressentir la méfiance, la volonté de tout contrôler, des colères intenses, une auto-critique constante. Ce mécanisme de survie la poussait à la quête de performances sans limites. Elle a connu le burnout après s’être battue longtemps dans sa vie professionnelle et conjugale. Le comportement de fuite, un autre mécanisme de survie, la poussait à manger compulsivement pour se réconforter, sans le soutien émotionnel de ses parents. Le mécanisme de fuite l’a aidée dans le passé : fuite dans les relations en jouant le rôle de Sauveuse, évitement de l’engagement par peur de l’impuissance et de l'humiliation, fuite dans le travail, dans la nourriture par peur de ne pas être à la hauteur, fuite dans la sexualité par peur d’être seule.
Le témoignage de Fabienne met en lumière le manque de cohésion et d'adaptabilité au sein d'une famille dysfonctionnelle. Par exemple, elle raconte qu’avec ses parents, c’est elle qui devait les protéger, car ils inversaient les rôles. Elle devait répondre à leurs désirs, en niant ses émotions et ses besoins. Lors de la séparation de ses parents, à 11 ans, elle était critiquée par eux, seule, car chacun projetait en elle l’image de l’autre parent. Chacun voyait en elle ce qu’il aurait voulu être et lui faisait sentir sa colère. Chaque parent, à sa façon, l’instrumentalisait pour faire d’elle ce qu’il voulait. Elle souffrait du manque de chaleur humaine et de bienveillance dans les échanges, du manque de dialogue et de coopération entre les membres de sa famille.
Pour Fabienne, l’amour était dangereux, car il pouvait provoquer la reconnexion à son ressenti, notamment l’angoisse d’abandon et d'être humiliée. Elle ne se sentait pas proche de sa mère. Elle se croyait mauvaise et détestable. Elle ne se sentait pas non plus proche de son père. Elle se jugeait coupable d’adopter certains de ses comportements. Elle culpabilisait d’avoir grandi dans cette famille.
Adulte, elle avait peur d'aimer, suite à ses expériences traumatiques dans cette famille dysfonctionnelle. Elle souffrait d'un manque de sécurité intérieure. Elle voulait à la fois se rapprocher d'un homme et en même temps, dès que l’autre se rapprochait d’elle, elle se distanciait et faisait en sorte qu’il prenne la fuite. Elle se protégeait ainsi de la peur de l'abandon, de l'impuissance vécue dans son enfance face aux humiliations et à l'abandon émotionnel. Ce trouble de l'attachement désorganisé se traduisait aussi par une difficulté à réguler ses émotions intenses, une tendance à la dissociation du corps, une instabilité relationnelle. Elle manifestait des crises de colère disproportionnées et ressentait des émotions fortes, à cause de l'insécurité intérieure. Elle coupait court brutalement à ses relations amoureuses pour ne pas s'effondrer, à cause de sa peur de l'abandon et de l'humiliation. Son manque de confiance et d'amour pour soi la poussait dans des relations d'emprise, chaotiques. Ce comportement l’a conditionnée à rencontrer des partenaires qu'elle décrivait irresponsables, manipulateurs et dominateurs.
Avec sa psychothérapie EMDR, la connexion à ses ressources, la désensibilisation de ses traumatismes, le dialogue avec son Enfant intérieure, Fabienne a appris à s’accueillir telle qu’elle est. Grâce à cette acceptation de soi, elle craint moins d’aller vers les autres. Elle se sent plus confiante en elle. Elle a appris à créer le sentiment de sécurité en elle, à s'accepter avec son imperfection et ses limites.
Elle a renforcé sa ressource « être puissante » en la reliant, par exemple, à sa capacité à réussir ses études, à se libérer des relations d’emprise subies à l’âge adulte. Nous avons renforcé la qualité de confiance en soi. Elle s’est rappelée le souvenir d’une amie qui l’accueillait dans sa vulnérabilité, sans la rejeter pour cette « faiblesse ». Elle a ressenti son plexus se détendre et elle a mémorisé cette sensation. En répétant ce genre d'expérience sécurisante, elle a pu créer la sécurité en elle afin d'apaiser les peurs contre lesquelles les parties protectrices de son moi en survie voulaient la protéger. Le coaching en thérapie polyvagale l'a aidée à mieux comprendre ses parties protectrices et à développer de l'empathie envers elles. Elle a appris à s'ancrer, à mobiliser ses ressources pour les apaiser.
Elle a également pu se sécuriser en créant dans son imaginaire une figure parentale bienveillante et apaisante. Elle l'a imaginée, dans son lieu de sécurité, accueillant son Enfant intérieure. Pour y arriver, elle s'est souvenue d’un moment de confidence avec une de ses soeurs, avec sa psychothérapeute précédente. Elle a pris conscience de la chaleur apparue dans le haut du corps durant le balayage oculaire en EMDR. La confiance présente dans les épaules et la solidité dans le dos a renforcé petit à petit, un style d'attachement sécurisant. En travaillant l’ancrage, elle a appris à se sécuriser, à mieux réguler ses émotions et celles de ses enfants. Elle reconnaît maintenant son hypersensibilité, son hypersensorialité, plutôt que de la nier.
La psychothérapie EMDR l’a aidée se libérer de son rôle de Sauveuse envers ses parents. Aujourd’hui, elle peut être là pour son Enfant intérieure. Elle a transformé cette croyance qu'elle devait être parfaite en se rappelant des souvenirs d'amis qui l'ont aimée dans sa vulnérabilité.
Elle a appris à mettre des limites à ses parents et à ses collègues. Elle a développé ses capacités à s’apaiser grâce à différentes ressources : le yoga, le sport, ranger son bureau, lire, faire de la luminothérapie, ...etc. Elle a découvert que si une amie changeait la date de leur rendez-vous, cela ne changeait rien à la relation. Il lui a fallu du temps pour concevoir qu’on puisse l’aimer.
La psychothérapie EMDR a favorisé une augmentation de la qualité de sa résilience. Elle a ancré en elle des ressources, augmentant son sentiment de sécurité, sa confiance, son estime d’elle, sa capacité à se détendre, à s’ouvrir au monde, à s’aimer et à se respecter.
La désensibilisation de la charge émotionnelle liée à ses traumatismes lui a permis d’augmenter la fenêtre de tolérance de son système nerveux, face aux difficultés rencontrées dans la relation aux autres. Il s'agit de la capacité à rester en sécurité en rencontrant des situations difficiles. Elle ressentait plus de sécurité face aux conflits, à des problèmes de communication. Elle l’a très bien exprimé en observant le changement d’attitude en elle quand son amie a modifié la date du rendez-vous prévu. Elle n’était plus paniquée. Elle n’a plus été submergée par ses parties protectrices. Elle a pris du recul et n’est pas entrée dans le combat, la fuite ou le figement quand son amie a changé le rendez-vous. Plus ancrée dans l’état ventral de son système nerveux, elle est arrivée avec l'entraînement à mieux réguler ses émotions et à changer rapidement d’état, en cas de stress et d'émotions pénibles. Son trouble de l'attachement désorganisé à laisser place à un style d'attachement sécure dans sa relation avec elle-même et avec les autres.
Si ce thème vous interpelle, vous pouvez contacter Christine Calonne psychothérapeute à Namur et à Liège en Belgique +32 42 90 58 14 ou lui écrire sur son formulaire contact. C'est possible également de faire des séances en psychothérapie EMDR par visioconférence. Vous pouvez aussi lire "Les victimes de pervers narcissiques, guérir le traumatisme", paru aux éd. Ellipses, col. Récits et témoignages.