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Perversion narcissique et inversion accusatoire : comment se protéger ?

Le 02 mars 2025
Perversion narcissique et inversion accusatoire : comment se protéger ?
La perversion narcissique, à l'extrême de la pathologie narcissique, utilise l'inversion accusatoire comme arme de destruction et de manipulation. Voici quelques pistes pour s'en protéger et se reconstruire.

A. Qu'est-ce que l’inversion accusatoire ?

L'inversion accusatoire est une stratégie typique dans la perversion narcissique.

Cette stratégie consiste à retourner la faute commise par l’individu au narcissisme pathologique extrême sur la victime afin de maintenir son image parfaite, son emprise sur sa proie, de ne pas prendre ses responsabilités. Cela lui évite de souffrir de culpabilité, de remords, d’une remise en question. C’est ainsi qu’il déstabilise la victime et crée la confusion dans son esprit de la victime, car elle cherche à comprendre plutôt que d’agir et de s’affirmer. 

B. Quatre méthodes d’inversion accusatoire 

1. Le gaslighting : Il s'agit d'une mise en doute des perceptions de l'autre. Ex. « Tu es trop sensible. Tu vois le mal partout ». 

2. La projection et l’identification projective : Ex. « tu es trop méfiante. Je m’inquiète de te voir si agressive ». La perversion narcissique  fait vivre à la victime ce qui est nié chez un individu présentant cette pathologie : sa haine, sa tristesse, sa peur, son honte, sa culpabilité, …etc.

3. La victimisation : Le pervers narcissique adopte le rôle de victime pour se faire plaindre et protéger par l’entourage, pour susciter l’empathie de sa proie. Ex. « Tu ne me comprends jamais ».

4. Le langage flou : Le recours au langage flou permet au pervers narcissique de ne pas donner d'information sur lui et de ne pas être démasqué.

C. Les phases d'inversion accusatoire 

L’inversion accusatoire est un mécanisme de défense adaptatif qui apparaît selon les phases de la relation.

Elle n’apparaît pas dans la première phase de la relation, car la séduction narcissique par les flatteries, l’offre de cadeaux ou de protection vise à mettre sous emprise. Comme il n’y a pas encore de conflit dans cette phase marquée par l’idéalisation, l’inversion accusatoire n’est pas nécessaire.

Durant l’emprise, l’inversion accusatoire se manifeste de plus en plus, car la victime prend progressivement conscience de la violence psychologique qu’elle subit. Elle fait de l’ombre au pervers narcissique, ou elle exprime d’une façon ou d’une autre sa différence. Il ne supporte pas la différence. Par exemple, si elle a des valeurs humaines et observe des attitudes malhonnêtes de sa part, elle peut exprimer son désaccord. L’individu pervers narcissique utilise alors l’inversion accusatoire pour faire taire la victime, l’anéantir. Il cherche à déstabiliser, culpabiliser et dévaloriser la victime. Il la menace, fait du chantage, divise l’équipe et empêche celle-ci de faire son travail. Ex. « Si tu ne te sens pas bien dans la relation, c’est parce que tu te prends la tête ». Dans un contexte professionnel, il la prive d’outils de travail, d’informations importantes, …etc. C’est ainsi que la victime se met en doute et se remet trop en question sur sa culpabilité éventuelle. 

Si la victime prend de plus en plus distance, il tente de revenir vers elle en faisant mine de rien, en proposant à nouveau des cadeaux, en flattant à nouveau, car il ne supporte pas de perdre le contrôle. 

Si elle réagit et s’affirme, l’inversion accusatoire est utilisée comme arme de destruction massive, notamment auprès de l’entourage. Ex. « Elle est froide et ne me parle plus. Elle veut me détruire ». Son but est alors de l’isoler de l’entourage et d’utiliser la colère ou le silence éventuel de la victime contre elle. Il la met sur une voie de garage ou ne lui donne plus de tâches à effectuer. Ou bien, il lui en donne trop et l’épuise pour la détruire à petit feu. Il exerce un harcèlement moral qui peut pousser la victime au suicide.

Si la relation d’emprise commence dans le privé, elle peut s’étendre au milieu professionnel si les partenaires travaillent ensemble. Cela permet au pervers narcissique d’étendre son pouvoir sur elle, de limiter son autonomie et ses possibilités d’accomplissement afin de ne pas lui faire de l’ombre. Si la victime prend du recul, il peut anticiper une éventuelle dénonciation de son harcèlement, d’une faute, grâce à l’inversion accusatoire. Ou bien, si la victime dénonce un comportement violent, illégal, il utilise cette méthode et dit qu’il est harcelé par la victime, qu’elle veut lui nuire. Par contre, il se montre irréprochable envers ses collègues et collaborateurs afin d’isoler la victime, de lui faire perdre ses liens sociaux. Il la fragilise par des rumeurs, de la diffamation, des sous-entendus malveillants, comme quoi elle est incompétente, agressive, folle, instable, manipulatrice, …etc. A la longue, les gens finissent par se méfier d’elle et elle perd confiance en elle. Pour éviter de perdre l’emprise, il peut saboter l’évolution professionnelle de la victime, par un harcèlement moral. Il peut ainsi la pousser à la faute tant elle est à bout à force de subir un dénigrement, de la culpabilisation, des mises en doute, des sous-entendus verbaux ou non verbaux. La surcharge de travail et de responsabilités l’épuise et peut l’amener à commettre des erreurs qu’il utilise contre elle. S’il exerce une emprise affective en privé, il peut la punir dans le domaine professionnel par ces méthodes.

Cependant, si la victime prend distance, il peut revenir régulièrement vers elle, malgré tout, pour tester son pouvoir sur elle et voir s’il peut récupérer l’emprise. Ex. Après l’avoir dénigrée en privé, ou par des complices, il revient vers elle par des flatteries, des cadeaux, l’offre d’un restaurant avec une approche sentimentale fausse. Si elle y répond, il considère qu’il a récupéré l’emprise. La victime peut douter de sa perception et penser « J’ai exagéré. Il me demande comment je vais. ». Elle ne perçoit pas la manipulation. Cette apparence normale en public leurre tout le monde et lui donne une apparence de perfection. Il peut ainsi dire aux autres « On a une bonne relation. Pourquoi cherche-t-elle à m’accuser ? ». Ces moments de silence radio sont punitifs, mais permettent aussi de faire oublier les violences psychologiques pour se raccrocher aux moments de séduction. Il peut ainsi continuer à la tenir sous contrôle, à la surveiller, à obtenir des informations et à empêcher toute accusation contre lui.

D. Inversion accusatoire directe/indirecte

La perversion narcissique apparaît également dans l’inversion accusatoire indirecte. L'individu qui présente ce trouble de la personnalité manipule l’entourage privé ou professionnel contre la victime. Ex. « Je la trouve arrogante, absente ces derniers temps ». Ou bien, il peut mentir et réinventer l’histoire des faits, ou dire que la victime exagère ses propos. Il peut minimiser sa propre violence. A force de répétitions, d’insinuation et de rumeurs, l’entourage adopte parfois inconsciemment le point de vue du pervers narcissique. Il fait ainsi agir à sa place l’entourage professionnel pour exclure sa proie sans être repéré. Il peut sembler parfait, même sympathique, bienveillant, désireux de résoudre le problème que vit la victime. Si elle dénonce la faute du pervers narcissique ou son inversion accusatoire indirecte, il se présente en victime aux autres et se plaint de la paranoïa de sa proie.

E. Quel est le but ?

L'individu manifestant une perversion narcissique (narcissique pathologique extrême) tente ainsi de ne pas être démasqué, de ne pas laisser de traces en restant neutre, à distance alors que la victime est accusée d’être agressive ou silencieuse, à force d’être poussée à bout, impuissante, en état de stress intense.

Le but est de la dominer, de la détruire pour la vampiriser et ne pas prendre la responsabilité de sa faute. Il peut ainsi se nourrir de l’attention que lui accorde sa proie et remplir son vide intérieur, renforcer son sentiment de toute-puissance.

F. Comment se protéger ?

1. Prendre conscience de la manipulation et des mécanismes de l'inversion accusatoire est la première phase de la sortie d'emprise. 

2. Faire des exercices d’ancrage pour apaiser le système nerveux, comme la pratique de la respiration grâce à la cohérence cardiaque, avec des expirations prolongées pour rester calme face au pervers narcissique et à l’entourage professionnel. Cela peut s’associer à une visualisation d’un lieu de sécurité réel ou imaginaire, avec des phrases positives « je suis en sécurité ici et maintenant ». cela crée une expérience sensorielle agréable que l'on peut accueillir, mémoriser pour renforcer le sentiment de sécurité et l'amour pour soi. Développer l’empathie pour soi est utile en imaginant ce que la victime dirait à un ami dans cette situation. Poser la main sur une partie du corps en souffrance permet de transférer les sensations agréables à la partie du corps tendue ou douloureuse.  

3. Mobiliser, chaque jour, des ressources d’estime de soi et de confiance en soi, en faisant, par exemple, un cahier d' affirmations positives sur soi le soir à voix haute. Cela favorise ainsi un meilleur sommeil.

4.Ne pas se justifier, car cela nourrit la méfiance de l’entourage manipulé ou complice. S’il faut répondre, il vaut mieux s’exprimer avec des phrases courtes, sans émotions, à partir des faits, mais si possible ne pas entamer de discussions.

5. Repérer les complices et les tenir à distance en exprimant juste les informations nécessaires sur le plan professionnel.

6. Accumuler des preuves écrites en communiquant par écrit.

7. Nourrir des relations bienveillantes pour renforcer son estime de soi. Changer de milieu professionnel si cette situation devient dommageable pour la santé physique et mentale de la victime.

8. Renoncer à chercher une explication, car la résolution d’un conflit est impossible sans remise en question de sa part. La volonté de nuire du pervers narcissique ne permet pas de trouver une solution constructive.

9.Observer ce que recherche le pervers narcissique s’il reprend contact en le laissant parler.

10. Poser ses limites clairement et fermement. Il est important de s’entraîner en définissant sur papier ce qui est important pour soi, ce qui est acceptable pour soi et ce qui ne l’est plus.

11. Utiliser un langage flou pour ne pas donner d’informations que le PN utilise contre sa proie.

12. Si la victime a une blessure d’attachement, il est nécessaire de renforcer son identité pour empêcher le pervers narcissique d’activer le bouton de sa vulnérabilité. Si elle souffre d’une blessure d’attachement, par exemple, le trouble de l'attachement insécure désorganisé, son inconscient la pousse à répéter ses traumatismes passés. Le manque d’amour et de reconnaissance positive dans l’enfance à cause de maltraitances psychologiques ou physiques en est un exemple. Il est important d’apprendre à se donner de la valeur plutôt que d’attendre cela du regard de l’autre grâce à des exercices d'apaisement du système nerveux associés à des affirmations positives. Stopper le conditionnement installé par le pervers narcissique, associant sa présence à une récompense, permet de se libérer de l'addiction à cette relation. Celle-ci est associée à la sécrétion importante de dopamine. Cette récompense est perçue par la partie enfant de la victime si elle a subi dans l’enfance des relations où elle était dénigrée, culpabilisée, maltraitée psychologiquement. L’enfant intérieur confond alors dépendance et amour. Il s’agit d’apprendre à différencier l’enfant intérieur blessé et l’adulte en se demandant qui parle en soi. Il est important de répondre en adulte à ses besoins pour ne plus attendre cela de cette relation destructrice. Quand la victime pense au pervers narcissique, elle peut relire la liste des comportements manipulateurs et destructeurs qu’elle a identifiés avant. A l’âge adulte, il s’agit de cultiver l’amour pour soi, en écrivant un cahier de gratitude envers soi chaque jour, en notant ce qui est bon pour soi, ses valeurs propres, en développant des activités agréables, en augmentant ses capacités d’expériences sensorielles agréables. Il est important de rechercher des liens sécurisants qui valide la victime pour ce qu’elle est. La victime peut aussi écrire des lettres à son enfant intérieur pour répondre à ses émotions et ses besoins, lui dire ce que la victime aurait voulu entendre et vivre dans l’enfance. C’est sur cette sécurité intérieure stable que la victime peut se baser pour mieux se protéger de l’inversion accusatoire. Il est nécessaire de revenir à soi chaque jour pour renforcer le lien bienveillant avec soi qui a manqué dans l’enfance vis à vis d’un parent.

13. La psychothérapie EMDR et le coaching en théorie polyvagale favorisent la transmutation des traumatismes et la reconstruction de soi grâce à la reconnexion au corps, aux ressources.

Pour en savoir plus, vous pouvez lire "Les victimes de pervers narcissiques, guérir le traumatisme", éd. Ellipses, col. 100 questions/réponses ou Récits et témoignages.

G. Contact

Si ce thème vous interpelle, vous pouvez contacter Christine Calonne, psychologue psychothérapeute, et son équipe, à Namur et à Thimister en Belgique. Les séances sont pratiquées, quelle que soit la méthode, en visioconférence également. Vous pouvez l'appeler +32 42 90 58 14 lui écrire sur son formulaire contact.