Le narcissisme pathologique grandiose se traduit par un désir de pouvoir sans limites, l'admiration pour des individus exceptionnels qui exercent du pouvoir. Le désir d'être admiré, l'envie, le sentiment que tout est dû pousse cet individu à la lutte constante pour survivre. Dans cette posture de combat, il ne peut ressentir de l'empathie pour lui-même et pour autrui. Il juge constamment, dénigre, menace, domine. Il exploite l'autre à cause de son égocentrisme, axé exclusivement sur la satisfaction de ses désirs immédiats. L'absence d'attention pour les besoins et les émotions d'autrui ne lui permet pas de coopérer. Ce trouble de la personnalité s'exprime à différents degrés sur un continuum, allant du narcissisme sain, une bonne estime de soi (conscience de ses qualités et des vulnérabilités), jusqu'à la surestimation de soi (évaluation erronée, par une surestimation de ses compétences). Des crises de rage face à l'incapacité à supporter la frustration et une exigence de perfection l'empêchent de ressentir de la compassion pour soi et pour autrui. Il fonctionne à l'adrénaline, dans un état de tension permanente.
Ce sont des défenses qui peuvent également apparaître dans le narcissisme pathologique vulnérable : même désir de pouvoir sans limites, même exigence de perfection. Le sentiment que tout est dû accompagne également l'atttitude égocentrique du sujet narcissique vulnérable, sans attention spontanée pour les émotions et les besoins d'autrui. Son incapacité à supporter la critique et la frustration le pousse aussi à ressentir la rage. Mais, elle est retournée contre lui-même. Elle se transforme en sentiment de culpabilité, accompagné de honte. L'attente de reconnaissance sans limites rend la personne anxieuse. Elle se tient en retrait pour se protéger. Elle ne se bat pas pour obtenir le pouvoir, contrairement au sujet grandiose. Craignant les conflits, susceptibles de réactiver la blessure de l'estime de soi, elle recourt souvent à la manipulation pour obtenir le pouvoir : culpabilisation, chantage, plaintes constantes pour pousser l'autre à satisfaire ses désirs.
Olivier cherche constamment des stimulations pour ne pas ressentir son vide intérieur. S’il veut s’arrêter, il se juge « Tu es fainéant ». Il n’a pas de limites dans ses exigences vis à vis de lui-même et des autres. Il adopte des comportements de fuite pour anesthésier son stress. Il regarde une série à la télévision, procrastine pendant des heures sur les réseaux sociaux. Il boit de l’alcool ou fume la marijuana pour se protéger de la peur d’être incapable ou impuissant face à la charge de travail qu’il s’impose. Son esprit de compétition l’a déjà rendu accroc aux jeux vidéos, mais il perçoit à quel point c’est une perte de temps et d’argent. Il veut apprendre la méditation pour mieux gérer son temps. Mais, il reste dominé par cette exigence de perfection et de performance, même dans la méditation : « Je devrais me lever à 5h du matin pour méditer, mais j’oublie et je vais me coucher tard pour regarder une série à la tv". Parfois, il fuit également dans la séduction des femmes à la salle de sport. C’est une autre façon de s’anesthésier en voyant ce qu’il suscite dans le regard des femmes. Ce comportement est une fuite face à la peur de se retrouver seul et de vivre le sentiment d’abandon qu’il a ressenti dans son enfance. Il ressentait, étant enfant, ce sentiment lorsqu’il était enfermé à la cave par sa mère, ou bien lorsque celle-ci ne manifestait pas d’empathie pour ses émotions et pour ses besoins. Elle menaçait ou faisait du chantage émotionnel : « Si tu ne travailles pas, je te dépose avec ta valise chez ton père ». Elle a parfois réalisé ses menaces. Elle-même luttait contre la peur d’être seule, car elle avait été maltraitée également par sa mère.
Olivier est attiré par les relations fusionnelles, car il fuit ses blessures d’abandon grâce au contrôle de l'autre. Comme toute addiction, cela implique, cependant, un risque et il veille à ne pas prendre le risque de la perdre. Il rend sa compagne dépendante de lui pour ne pas ressentir l'angoisse d'abandon.
L'individu présentant un narcissisme grandiose ou vulnérable est dirigé par ses peurs. Son corps est tellement stressé par la peur d'être nul à ses yeux ou aux yeux d'autrui, la peur d'être impuissant face à son désir de pouvoir sans limites, qu'il recourt à des addictions. Son cerveau reptilien, cerveau de la survie, déclenche des comportements de combat et de fuite. C'est le système nerveux orthosympathique qui prend le dessus pour le protéger de ses peurs.
Dans la fuite, l'individu s'anesthésie par des addictions à des produits, aux écrans, au travail, au sexe. Il fait rire la galerie, crée un lien fusionnel par lequel il apaise sa peur d'être seul et nul. Il se sent puissant en dominant l'autre ou en le manipulant. Toute activité peut devenir rapidement addictive pour lui, car son exigence de perfection le pousse à exiger toujours plus de lui en termes de performances.
Les addictions relationnelles sont un moyen d'anesthésier la peur, mais aussi d'obtenir le pouvoir. Une addiction permet aussi de ne pas ressentir le vide intérieur lié à la coupure du corps pour survivre. Le sujet remplit son vide avec les émotions d'autrui et les stimulations que procurent l'adrénaline dans le combat ou la fuite.
Cette coupure provient de blessures émotionnelles, de traumatismes de l'enfance. Le sujet s'en est protégé en se coupant de son corps, de ses sensations et de ses émotions.
Mais, ces addictions le rendent dépendant d'autrui, de son regard admiratif et aimant. Le sujet contrôle pour ne pas être confronté à son vide intérieur, à ses ressentis pénibles. Il contrôle ses allers et venues, son agenda, son compte, l'utilise comme outil. La relation est utilitaire et non basée sur un échange profond, authentique. Elle est utile pour l'obtention du pouvoir et de la domination. Dans mon livre "le narcissisme, créateur ou destructeur" (éd. Ellipses), je décris l'addiction relationnelle du narcissisme pathologique, comme dépendance fusionnelle. Dans un premier temps, le sujet flatte, offre des cadeaux, des services. L’idéalisation et la dévalorisation sont les deux temps de l’abus narcissique. Ensuite, il ne reconnaît pas l’autre et ne sait pas lui faire de compliments quand il réussit. Il pointe ses erreurs, ses manquements. Il souffle le chaud et le froid, attaque l’estime de soi, par exemple « Tu es nul », « C’est moche », "Pas terrible. Tu aurais pu faire mieux", …etc.
Par exemple, Olivier met en évidence la prise de poids de sa compagne, ses négligences à prendre soin d’elle, sa cuisine trop grasse et trop sucrée. Mais, il ne la valorise pas et il ne l’encourage pas. Il ne manifeste pas l’empathie nécessaire pour dialoguer et comprendre ce qu’elle ressent. Ceci renforce la fuite de sa compagne dans l’addiction à la nourriture. Cette alternance d’idéalisation et de dévalorisation maintient sa compagne dans la dépendance, car la confusion règne dans son esprit. Son estime de soi affaiblie la maintient dans la relation fusionnelle. C’est d’autant plus vrai si le partenaire souffre déjà au départ d’un manque d’estime de soi, de confiance en soi.
Le sujet au narcissisme pathologique vit des relations fusionnelles destructrices, car il n'a pas transformé des traumatismes passés. Il a souffert d'un trouble de l'attachement avec une figure parentale qui n'a pas reconnu ses émotions et ses besoins. Ce parent a souffert lui-même de traumatismes et le sujet narcissique a pris sur lui ce fardeau dans l'enfance. Il n'a pas reçu l'amour inconditionnel, le réconfort et l'attention pour ses besoins. Ce parent pouvait se fâcher face aux émotions de son enfant et exercer des représailles. Il pouvait l'utiliser comme faire-valoir dans une relation utilitaire ou être laxiste, sans limites. Ces perturbations engendrent une rage contenue, une tendance à exercer un contrôle sur autrui et sur le monde, dans le mode combat, pour survivre.
Olivier exigeait de sa compagne la perfection. Il voulait la persuader de ce qui était bon pour elle. Il niait ses émotions et ses besoins. Il ne respectait pas ses limites. Il exerçait des violences psychologiques sur elle. Celles-ci ont créé un état de dépendance, car elles l’ont affaiblie. Sa compagne devait gérer leur quotidien seule, de sorte qu’à un moment donné, elle se plaignait. Il vivait mal les remarques de sa compagne, comme s’il s’agissait d’un danger vital. En réaction, ill la dénigrait, explosait de rage. Pourtant, il ne pouvait imaginer se retrouver seul, car il la trouvait « extra ». Cet attachement insécure désorganisé reproduisait le même type d’attachement vécu avec sa mère dans l’enfance.
Olivier a reproduit avec sa compagne la relation fusionnelle destructrice avec sa mère. Celle-ci avait elle-même un fonctionnement narcissique pathologique. Elle l’utilisait comme outil pour se valoriser à travers lui, en exigeant qu’il soit parfait à l’école, le meilleur. Elle avait un comportement intrusif. Elle n’a pas respecté les besoins de son fils. Celui-ci n’a pas pu créer les frontières interpersonnelles entre lui et sa mère, car elle n’a pas permis qu’il mette la distance nécessaire pour écouter son identité réelle. Elle l’a conditionné à se suradapter et à nier son « vrai self », c’est à dire ses émotions et ses besoins. il n'a pas pu compter sur le soutien de son père, fuyant dans l'alcool ses problèmes de couple.
En reconnaissant son vécu de petit garçon maltraité, impuissant face à l’emprise maternelle, il a pu aussi reconnaître et aimer les parties de son moi qui l’avaient aidé à survivre.
Il a pu accueillir en état de sécurité ses émotions, particulièrement la peur, la tristesse et la honte grâce à la connexion à ses ressources. Dans cet état de sécurité, il a appris à réconforter cet enfant en souffrance, nié par les parties en survie de son moi. En se référant à certains modèles de son enfance capables de bienveillance et de réconfort envers lui, comme sa marraine, il a petit à petit intégré cette attitude parentale bienveillante et soutenante. Sa marraine est la seule personne dans son enfance à l'avoir accueilli avec tendresse, à l'avoir pris sur ses genoux, réconforté. Elle était attentive à lui et prenait soin de lui." (Ch. Calonne "Le narcissisme, créateur ou destructeur", éd. Ellipses, col. 100 questions/réponses. La psychothérapie EMDR et le coaching en thérapie polyvagale favorisent la reconnexion au corps indispensable pour développer progressivement le sentiment de sécurité. Avec les ressources identifiées, il est possible de reconnecter les émotions et d'entamer le processus de transformation des traumatismes.
Si ce thème vous parle, vous pouvez contacter Christine Calonne psychologue psychothérapeute à Liège ou à Namur en Belgique +32 42 90 58 14, ou lui écrire par son formulaire contact.
Les séances peuvent se faire en visio.