Christine Calonne, psychologue spécialisée dans l'étude de la perversion narcissique, vous propose de réfléchir à cette possibilité de revivre après la relation d'emprise avec un pervers narcissique.
Quelles sont les étapes pour retrouver la joie de vivre ?
Après l'euphorie passagère de la prise de conscience d'avoir été victime et d'avoir compris, la personne qui sort de l'emprise sent un profond malaise, voire une panique.
Comment va-t-telle pouvoir survivre sans son bourreau ?
Cette question paraît bizarre pour ceux qui n'ont pas connu ce genre de relation qui s'apparente à la dépendance à une drogue. Le drogué en sevrage éprouve ce malaise, cette panique d'être privé de sa substance toxique.
Quel est le lien ? La victime confond l'amour et la dépendance affective.
L'emprise a pu se construire par la mise sous dépendance grâce à l'injection régulière par le bourreau de doses de plaisir intense en offrant des moments spéciaux de fusion, où il flatte la victime, lui donne des merveilleux cadeaux en terme de temps passé ensemble, de voyages, de sexualité, de compliments faux, de services rendus, de protection psychologique, matérielle, ... Ces moments spéciaux sont si intenses que la victime les a imprimés profondément en elle et est aveuglée ensuite devant les comportements destructeurs du pervers narcissique. Mais, ces moments de plaisir sont suivis de violences. Ils sont intimement associés dans l'esprit de la victime par l'effet d'un conditionnement bien calculé.
Sortir de son aveuglement a permis à la victime de se libérer de l'emprise.
Mais, il reste ensuite à sortir de l'état de survie où l'a laissée son agresseur. Il s'agit d'un stress post-traumatique avec une intériorisation de l'agresseur sous forme d'auto-dévalorisation, de culpabilisation de soi, de perte des relations, perte d'énergie, épuisement moral, physique, ...etc.
Revivre nécessite d'abord de couper tous les ponts avec le pervers narcissique, car il va se poser en victime, faire vibrer la corde sensible de celle-ci par son jeu de "caliméro", "d'enfant malheureux".
Garder à l'esprit, avoir noté tous les comportements destructeurs de son ancien bourreau permet d'aller de l'avant. Les relire en cas de doute, aux moments de reséduction est salutaire.
S'il y a des enfants dans l'histoire, il est important d'en rester à des échanges pragmatiques, car le piège se présente à travers les paroles des enfants, instrumentalisés par le parent pervers narcissique.
Ils peuvent culpabiliser le parent victime afin de le ramener dans l'emprise du parent violent.
Revivre implique de se reconnecter à soi, à son corps, à ses émotions, à la terre et à tout ce qui est beau, bon, porteur de vie, d'énergie, de positivité autour de soi : Aller marcher dans la nature, respirer le bon air, sentir le contact avec la terre, les arbres, l'eau des rivières, ...etc.
Revivre, c'est se reconnecter à son enfant intérieur, cette part de soi spontanée, vivante.
C'est aussi reprendre contact avec les amis, relations bienveillantes dont on a été isolé.
Développer une activité créatrice permet d'exprimer son ressenti et de se reconnecter à soi.
Ecouter de la musique, s'offrir un massage, nager, bouger, faire de la méditation pleine conscience, de la relaxation quelle qu'elle soit, cela apaise, rétablit la sécurité intérieure. Cela régénère.
Accepter ses sensations, ses émotions est possible, en étant accompagné, afin de faire le vide nécessaire pour que du bon arrive ensuite : accepter la honte, la tristesse, la peur, l'angoisse, la panique, la colère, le dégoût inhérent au fait d'avoir subi parfois longtemps cette relation destructrice pour soi.
Accueillir ce vécu avec de la bienveillance et de la douceur, de la compassion permet de retrouver son identité perdue.
S'autoriser à les exprimer dans un cadre sécurisé aide à retrouver confiance en soi.
En effet, la colère accumulée se manifeste de façon explosive et peut rejaillir sur les personnes qui n'y sont pour rien, notamment les enfants. Cette colère exprimée dans un cadre sécurisé est une source d'énergie nécessaire pour rétablir la confiance en soi perdue suite à toutes les violences psychologiques, verbales, physiques, sexuelles ou économiques subies.
Reconstruire les valeurs que le pervers narcissique a détruites par sa manipulation et sa violence psychologique ou physique est essentiel pour continuer à avancer.
Identifier toutes les croyances négatives sur soi et le monde, les noter, puis déchirer la feuille ou la brûler, puis installer de nouvelles croyances plus positives pour soi va contribuer à la reconstruction de soi.
Elles sont directement liées à nos besoins fondamentaux, aux valeurs de de ceux que nous aimons et qui nous aiment, aux aspects positifs de l'histoire passée de la victime, de sa culture personnelle, ...etc.
Les besoins fondamentaux essentiels à nourrir chez la victime sont le besoin de respect, de bienveillance, d'être heureux, d'amour inconditionnel pour soi sans jugement, le besoin d'être libre, de se réaliser, de réussir sa vie, de prendre soin de soi, le besoin de compliments vrais, d'affection et de chaleur, d'harmonie, d'indépendance, d'estime de soi.
Définir des objectifs quotidiens pour se mettre à l'écoute de ces besoins mis à mal par le pervers narcissique va permettre de retrouver la joie de vivre.