La perversion narcissique se traduit dans une relation d'emprise psychologique où l'agresseur, homme ou femme, organise consciemment la destruction de sa proie. Cette emprise s'établit dès le premier contact. Pourtant, bien souvent, la proie ne la décode pas et tombe dans les filets de la manipulation perverse. Pourquoi la proie de cette personnalité ne l'identifie pas ? Comment la décoder ? Comment s'en protéger ?
La proie d'un pervers narcissique témoigne, bien souvent, après sa sortie d'emprise qu'elle avait perçu des signaux inquiétants, mais qu'elle n'en avait pas tenu compte. Cela s'explique par le fait que la relation d'emprise se construit dans un lien traumatique, c'est à dire un lien qui reproduit, à l'âge adulte, chez la victime, comme chez l'agresseur, des conditions d'abus émotionnel et de négligence affective de l'enfance. Cependant, l'agresseur a fait le choix de l'identification à son agresseur, contrairement à la victime. La victime vit un tel état d'insécurité suite à ces conditions de l'enfance qu'elle manque de clarté d'esprit pour observer, analyser et décoder les premiers signes d'emprise. Ses peurs d'enfant la dirigent et l'empêche de prendre du recul. Ses besoins frustrés non reconnus l'orientent vers ce qu'elle connaît, une relation d'emprise, de domination destructrice. Ceci explique pourquoi cette relation peut durer, parfois, toute la vie.
La victime a souvent souffert durant son enfance d'une relation familiale dysfonctionnelle où elle n'a pas été bien traitée. Elle attend de la relation à l'âge adulte la satisfaction de besoins qui n'ont pas été comblés dans son enfance. Elle n'a pas pu idéaliser son parent comme un bon parent, car il ne l'a pas protégée, n'a pas été attentif pour une raison ou une autre à ses émotions, ses besoins, ses désirs. Ce mécanisme d'idéalisation explique pourquoi la victime ne peut voir l'agresseur tel qu'il est. Ceci s'explique d'autant mieux que la personnalité perverse narcissique repère ces failles chez la victime et les exploite à son avantage. Cette personnalité terrorise sa proie et lui fait vivre le syndrome de Stockholm dans le lien traumatique. Il s'agit d'une relation d'emprise basée sur la peur où la victime excuse, protège son agresseur pour survivre. C'est l'enfant en elle, avec ses peurs, qui tient les commandes.
C'est l'histoire d'Anne. Dans mon livre "Les victimes de pervers narcissiques, guérir le traumatisme", paru aux éd. Ellipses, Anne témoigne par rapport à ce lien traumatique. Elle n'a pas pu décoder les premiers signes et prendre du recul. Anne m’a consultée, parce qu’elle souffrait de relations d’emprise successives de la part d’hommes dominants et manipulateurs. Le dernier lien fut le pire, car elle a identifié son fonctionnement à celui de la perversion narcissique. Elle pensait ne pas avoir droit au bonheur, car elle avait grandi dans une famille dysfonctionnelle, avec des parents alcooliques et destructeurs dans leur relation de couple autant qu’avec leurs enfants. La mère d’Anne est morte jeune. A 50 ans, elle n’a pas survécu à son anorexie et à son alcoolisme dans la relation d'emprise. Les parents d’Anne faisaient les choses par devoir, pour montrer une belle apparence en public, mais en privé, il y avait de la violence. Elle se souvient que son père, patriarche, monopolisait la parole à table pour sermonner les enfants, les endoctriner et les terroriser. Il méprisait et insultait ses enfants. A la fin de sa vie, Anne lui a exprimé sa douleur et il lui a dit « A refaire, je ferais la même chose. ». Cette phrase a libéré Anne de son père, en constatant qu’elle ne pouvait rien faire pour lui. Il est mort comme il a vécu, dans la rage. C’est la tendance habituelle d’Anne. Elle croit que tout le monde veut et peut changer. Son attitude de sauveuse et ses blessures d'humiliation de l'enfance la projetaient dans des relations avec des hommes dominants et violents. Elle n’a jamais pu appeler son père « papa » et sa mère « maman » du fait de l'absence de sécurité, de tendresse. A la fin de sa vie, sa mère a pu davantage se remettre en question par rapport au fait qu’Anne avait divorcé. Elle a reconnu qu’elle aurait du la soutenir, mais que son père l’avait conditionnée « Quand on s’engage, on donne sa parole pour la vie ». Anne a éprouvé toute sa vie un sentiment d’insécurité profond, dû à l’ambiance violente dans la relation entre ses parents, à leur alcoolisme, à leurs dépenses excessives, à sa naissance non désirée, au manque d’argent durant son enfance. Elle ressentait un sentiment profond d’abandon qui la rendait dépendante par rapport à ses partenaires violents. Sa mère ne faisait pas les courses. Le frigo était souvent vide. Les huissiers venaient sonner pour marquer les meubles. Elle a toujours eu honte de ses parents alcooliques, sans hygiène, sans argent, alors qu’ils travaillaient. Son père instrumentalisait ses enfants pour gérer l’intendance à un âge trop jeune et comme faire-valoir. Elle a souffert de la faim étant petite. Anne ressentait encore à l’âge adulte cette insécurité par rapport à ses paiements, même si dans les faits, elle avait un travail sûr, comme secrétaire. Anne était incapable de dire « non » à qui que ce soit, car elle se fondait en l’autre. Son ex-conjoint la harcelait même après la rupture. Par exemple, il la suivait lors d’une journée d’exposition sur un marché où elle exposait les coussins qu’elle avait créés. Il venait s’asseoir à côté d’elle. Les gens pensaient qu’ils étaient en couple. Ils interrogeaient son ex qui se plaignait et apitoyait les gens. C’était une façon de saboter ses projets personnels au delà de la relation d’emprise. Elle a du lui dire que s’il continuait, elle révèlerait aux gens les six mois d’horreur passés avec lui. Son ex-mari ne lui payait pas la pension alimentaire pour leurs enfants et préférait s’offrir des soirées au restaurant. Il renforçait ainsi l’insécurité financière d’Anne. Elle avait le sentiment d’être le torchon de tout le monde. Au travail, c’était pareil. Elle réalisait le travail de deux secrétaires, car sa collègue en faisait le moins possible. Sa chef n’intervenait pas, car Anne était trop efficace, disciplinée et gentille. De ce fait, elle éprouvait de plus en plus de crises d’angoisse, surtout à l’extérieur de chez elle, dans les magasins, chez des amis. Elle souffrait d’insomnies. Ses problèmes de concentration et de mémoire s’aggravaient, avec des absences. elle a pris un long congé de maladie pour burnout. Elle restait couchée dans son divan, en regardant des séries. Elle a pu retrouver le sommeil et progressivement récupérer de l’énergie. Elle s’autorisait enfin à lâcher-prise, à cesser de vouloir tout contrôler, cesser d’aider tout le monde sans qu’on lui ait rien demandé. Elle a commencé à prendre soin d’elle. A son retour au travail, son ex-PN se plaignait des mêmes symptômes qu’elle. Elle a pu lui dire de se soigner, avec indifférence. Il l’a culpabilisée encore une fois « Quel égoïsme ! », « Tu me déçois ! », « Je ne t’ai jamais rien imposé». En effet, il avait eu l’art, contrairement aux autres compagnons, d’induire en elle les comportements qu’il désirait qu’elle ait, par ses silences culpabilisants, ses regards tantôt séducteurs, tantôt haineux et froids, mais aussi des attitudes protectrices, l'offre d'une vie familiale stable, des compliments, des services. Quand l'emprise a révélé l'aspect violent de la personnalité perverse narcissique, Anne était alors la petite fille figée de peur comme dans son enfance, incapable de dire « non ». Il avait réussi à ce qu’elle se sacrifie pour lui sans rien exiger. Mais, une fois qu’elle s’est installée chez lui, il a montré son visage haineux et son comportement de dictateur. L’obsession qu’il avait de l’argent, son attitude pingre avait réactivé ses angoisses de l’enfance, son insécurité. Elle ne savait plus profiter de rien avec lui. Pourtant, il était tout à fait à l’aise financièrement, alors qu’elle commençait à la moitié du mois à réfléchir comment elle terminerait celui-ci. Il l’avait fait venir habiter chez lui, mais il refusait de changer quoi que ce soit dans l’organisation et la décoration de sa maison, même pour le bien-être de ses enfants. Il la culpabilisait et la dévalorisait sans cesse. Elle n’avait rien à dire et devait être « gentille », comme son père l'avait conditionnée. Elle a réussi à s’enfuir et réintégrer à temps son domicile. Mais, il venait sonner à sa porte en jouant la victime et en la culpabilisant encore. Au départ, son enfant intérieur carencée d'affection, de sécurité, de reconnaissance, a été aveuglée par la séduction narcissique de son ex-conjoint. Elle n'a pas pu décoder les premiers signes d'emprise à cause de l'insécurité issue de son enfance.
Renforcer un état de sécurité en soi permet de décoder les premiers signes d'emprise.
1. La séduction narcissique : La personnalité perverse narcissique a un comportement trop mielleux, trop attentionné, dans les premiers temps de la relation. Cette apparence parfaite se traduit, par exemple, par une voix apaisante, une gestuelle calme, la main posée doucement sur l'épaule. Mais, tout est calculé pour installer une forme d'hypnose dans la relation favorable à des inductions de pensées, d'émotions, d'action chez la victime.
2. Le mimétisme : La personnalité perverse narcissique s'adapte très bien à sa proie afin de lui faire croire à une illusion d'entente parfaite, de rapprochement. Cela donne l'envie à la victime d'être généreuse, altruiste, empathique. Cette adaptation est aussi bien verbale que non-verbale : par exemple, faire les mêmes gestes.
3. L'envahissement : La personnalité perverse narcissique envahit la vie de la victime rapidement afin de l'empêcher de penser, de prendre du recul. Cela se traduit par de très nombreux messages, un discours qui laisse peu de place à l'autre, un questionnement qui vise à cerner le fonctionnement psychique de la victime.
4. Les messages paradoxaux : Ce sont des messages contradictoires. Ils soufflent le chaud et le froid de manière à rendre la victime confuse, manipulable.
5. Un discours affirmatif : Son fonctionnement est dénué de remise en question, de doute, n'autorisant pas l'autre à dire "non", à poser des limites, à avoir un avis personnel.
4. Un fonctionnement mécanique : Tout est calculé. Tout manque de spontanéité. Cela ressemble à un jeu de comédien bien étudié. Par exemple, pleurer sur commande en se victimisant par rapport à son passé si la proie est altruiste, généreuse et empathique.
La psychothérapie EMDR associée avec la thérapie polyvagale a aidé Anne à retrouver la sécurité intérieure, l’estime de soi et la confiance en soi nécessaire pour ne plus être une éponge par excès d’empathie. Elle a développé les ressources de l’Adulte en elle pour poser ses limites et prendre soin de ses besoins. Elle a appris à ne plus s’oublier et à se poser constamment la question « Est-ce que ça rencontre mon bien-être ? ».
Elle s’est recentrée sur elle-même pour se former et développer une activité complémentaire qui l’épanouisse. Elle a pu tenir compte de ses qualités, de son empathie et de ses qualités humaines pour se valoriser dans le soin aux autres et le bien-être : sophrologie, reiki, réflexologie plantaire. Elle a découvert son enfant intérieur en souffrance et a pu l’accueillir, l’aimer.
L'EMDR l'a aidée à désensibiliser ses traumatismes, à se libérer de la transmission transgénérationnelle de ceux-ci. Elle a pu couper les ponts définitivement avec son ex-conjoint et ne plus céder aux signes de reséduction après la séparation, car elle avait acquis la sécurité intérieure nécessaire pour les décoder.
Si ce témoignage vous parle, vous pouvez contacter Christine Calonne psychologue psychothérapeute à Namur et à Liège +32 42 90 58 14 ou par son formulaire contact.