La notion d’instinct maternel fut fortement critiquée par les féministes, dont Elisabeth Badinter, dans leur combat pour l’égalité des sexes et l’accès des femmes à des postes à responsabilités. Elisabeth Badinter percevait l’instinct maternel comme un mythe destiné à enfermer la femme dans le rôle de mère avant (ou même au détriment de) toute autre activité. Cette notion était pour elle liée au contexte culturel. En 1980, cette écrivaine française avait publié « L’amour en plus » pour démontrer l’influence sociale et politique de notre culture sur l’idée d’une fusion particulière entre une maman et son bébé.
Aujourd’hui, les femmes ne souhaitent plus vivre comme leurs grands-mères confinées dans leur cuisine, privées de compte bancaire, d’un contrat de travail sans l’accord de leur mari. C'est légitime et c'est leur droit.
Mais, il est important qu’elles veillent à créer un relation d'attachement sécurisante, où l'attention pour le bébé, la reconnaissance de ses émotions et de ses besoins est présente. C'est ce bain d’amour, de protection, d’attention et d’empathie qui contribue à son développement. La présence régulière et prévisible de la maman contribue également à la construction d'un lien d'attachement sécurisant avec le bébé.
Depuis Elisabeth Badinter, les recherches en neurosciences ont démontré que le cerveau de la mère, indépendamment de la culture, réagit aux pleurs du bébé à partir de zones spécifiques liées au langage et à l’interprétation des sons (revue américaine « Proceedings of National Academy of Sciences of the United States of America (PNAS). Ces chercheurs ont observé les réactions du cerveau de 684 mères originaires de 11 pays par un IRM et ils en ont tiré ces conclusions. Ils démontraient ainsi l'existence d'un instinct maternel.
Cependant, les recherches sur l’attachement ont observé que celui-ci peut être empêché par des comportements désorganisés de la part de la figure d’attachement, dans ce cas-ci, la mère qui présente un trouble de la personnalité perverse narcissique.
Celle-ci manifeste un trouble de l’attachement insécure désorganisé qui ne permet pas la création d’un lien d’attachement entre elle et son enfant. Ceci est vrai pour l’homme également.
Ce trouble apparaît dans des relations parentales dominées par la violence psychologique, verbale, physique ou sexuelle, en parallèle, ou non, avec des négligences ou des carences émotionnelles. C'est le cas de la relation entre une mère perverse narcissique et son enfant. L'imprévisibilité, l'instabilité de son comportement peut aggraver encore davantage l'insécurité de l'enfant. Elle suscite des cris, des pleurs de détresse, de la colère, puis finalement, un effet de stupeur chez celui-ci. Son absence d'empathie, sa froideur émotionnelle, sa violence psychologique, verbale ou physique engendre un sentiment d’impuissance et de la solitude chez l’enfant. La mère qui manifeste une perversion narcissique de la personnalité ne cherche pas à réconforter son enfant, au contraire. Elle méprise la dimension humaine et punit l'enfant s'il se montre vulnérable, sensible et s'il exprime ses besoins. La mère PN vise à éteindre toute vie en son enfant pour l’affaiblir et le dominer. Si l’enfant perd toute connexion avec lui-même, c’est à dire ses émotions, ses sensations, ses besoins et ses désirs, il peut obéir sans limites à la volonté de sa mère. Dénigrer les émotions de l’enfant est le meilleur moyen de lui faire perdre cette connexion. C'est ainsi qu'elle peut le manipuler et l'instrumentaliser comme un objet, exploiter ses ressources et l'utiliser comme faire-valoir.
Line en donne un exemple quand elle décrit le comportement de sa mère : « Quand j’étais petite, si je pleurais, je recevais une gifle. Elle me disait ensuite que « comme ça, je savais pourquoi je pleurais ».
Sa mère se montrait froide et sans empathie : « je ne me rappelle pas que ma mère m’ait jamais pris dans ses bras ou dit je t’aime ou quoi que ce soit d’affectueux. Elle me l’a écrit une fois, dans mon carnet de poésie lorsque j’avais neuf ans. Je l’ai toujours. En première page, avec une très belle illustration d’un arbre magique à l’aquarelle (elle est artiste de formation à la base). Tous les enfants de ma classe à qui j’avais prêté mon carnet pour y inscrire un petit mot, ainsi que leurs parents, étaient ainsi persuadés que j’avais une mère aimante et attentionnée. J’ai effectué de nombreuses recherches dans les livres de photos afin de tenter de trouver au moins une photo de ma mère me prenant dans ses bras. Je n’en ai pas trouvé. Des photos de mon père affectueux envers moi, oui. Pas elle. Quand j’étais toute petite, je me rappelle m’être relevée très souvent du lit après le coucher, et d’attendre, assise en boule contre la porte de la cuisine qui donnait accès au salon où mes parents regardaient la télévision et qui était fermée. J’avais peur et froid. J’attendais que quelqu’un me prenne dans ses bras. Parfois, mon père me trouvait là et me consolait ».
Line a souffert de ce manque d’écoute de sa mère. Elle l’attribue à l’absence d’empathie et à l’égocentrisme forcené de celle-ci. Voici sa description : « Mon père nous faisait rire, mon frère et moi, en disant que notre mère avait le coeur sur la main, mais le poignet coupé. Mon mari dit qu’une personne égoïste, c’est quelqu’un qui ne pense pas à ta mère. L’humour aide beaucoup à se déculpabiliser de ne pas réaliser toutes les volontés de ma mère dont le mot d’ordre ouvertement assumé est « qui m’aime me suive ». Pour elle, les émotions ne sont que caprices (surtout les miennes) et états d’âme, rien qui mérite de la considération (selon ses propres mots). Son langage n’est pas du tout le même lorsqu’il s’agit de ses émotions à elle, qui nécessitent la plus grande considération de ma part sous peine de représailles larvées, sous forme de menaces incessantes ». Line décrit bien l’absence d’empathie de sa mère lorsqu’il s’agit d’accueillir les émotions des autres. Sa mère s’en montre incapable et minimise le fait en considérant ces émotions comme des caprices. La réflexion du père de Line évoque l’apparence parfaite de la mère PN, faussement généreuse et altruiste, car elle a « le poignet coupé ». Elle est coupée de sa vie intérieure, de son coeur, de ses sentiments. La mère de Line ramène tout à elle. Il s’agit de penser à elle constamment sous peine de s’entendre dire que l’on est une personne égoïste.
La mère perverse narcissique projette sur ses enfants les caractéristiques qu’elle refuse de reconnaître en elle. Son égocentrisme ne lui permet pas de valider les émotions et les besoins de ses enfants. Elle ne leur accorde aucune légitimité, car ce sont eux qui doivent satisfaire ses besoins et ses désirs. Cette inversion des rôles rend l’enfant d’une mère PN adulte avant l’âge.
Line a souffert de cette inversion des rôles, car elle devait satisfaire toutes les volontés de sa mère : « Je me rappelle d’un anniversaire de mon parrain, le frère de mon père, lorsque j’avais cinq ans. Ma mère et lui se disputaient souvent. Mon parrain avait insulté ma mère qui a alors demandé à mon père de rentrer à la maison. Mon père a refusé. Ma mère a pris le volant en laissant mon père sur place. Pendant le trajet, ma mère m’a demandé pourquoi je ne l’avais pas défendue et m’a dit que j’étais lâche. Je me suis jurée de ne plus jamais être lâche, … ce qui est une erreur, mais la vie me l’a amèrement fait comprendre ». La mère de Line ne prenait pas en considération l’âge de son enfant (5ans) en lui demandant son avis et en la prenant à parti, elle la positionnait dans un rôle adulte. Line ne pouvait vivre sa vie d’enfant. Elle devait protéger sa mère et comme elle ne l’avait fait cette fois là, elle fut dénigrée par celle-ci comme « lâche ». Par la suite, Line s’est définie par opposition à cette étiquette négative et disait sans ouvertement tout ce qu’elle pensait, la petite fille en elle attendant toujours la satisfaction de son besoin de reconnaissance et d’amour de la part de sa mère. Elle ne l’a jamais obtenue. Par contre, elle a obtenu de sa mère de plus en plus de critiques agressives, blessantes.
Line a appris à cacher ses émotions, ses besoins. Elle a développé un trouble de l’attachement évitant, conditionnée depuis l’enfance à éviter ses émotions, ses besoins comme ceux des autres. Ceci lui rendit pénible et difficile sa vie relationnelle à l’âge adulte, car elle souffrait depuis l’enfance d’un profond sentiment de solitude. L’absence de soutien émotionnel de sa mère ne lui permit pas de réguler ses émotions facilement et traverser les conflits sereinement. Heureusement, elle a trouvé en son père du soutien et de l'empathie.
l’enfant oscille entre le besoin d’être réconforté et la réaction phobique à l’idée de s’attacher. Il alterne entre trouble de l’attachement anxieux (agrippement) et évitant (fuir ses émotions, ses besoins, fuir l’engagement dans la relation). Hypervigilant, il devient hypersensible aux signaux de danger. Il ne peut apprendre à réguler ses émotions en grandissant, car sa mère ne joue pas son rôle de régulation. Elle ne se montre ni protectrice, ni réconfortante. Elle ne facilite pas une relation de confiance.
L'enfant apprend à se méfier de la relation humaine. Pourtant, les neurosciences ont démontré que l'enfant est né pour être en lien s'il est accueilli, aimé et reconnu comme une personne humaine. Mais, la mère manifestant une perversion narcissique est déshumanisée et déshumanise la relation à son enfant. Il peut finalement geler ses émotions s’il n’obtient pas d’aide. C’est la mort intérieure qui le domine. Elle peut le pousser à l’identification à l’agresseur pour survivre à cette anesthésie émotionnelle.
Il y a un risque de transmission transgénérationnelle de la perversion narcissique si l'enfant ne peut faire l'expérience du soutien, du réconfort, de la protection, de la reconnaissance positive et la confiance dont il a besoin pour grandir.
Si cette problématique vous touche, vous pouvez contacter Christine Calonne, psychologue psychothérapeute à Namur et à Liège : +32 42 90 58 14.