Le narcissisme est un terme emprunté au mythe grec de Narcisse dans « Les métamorphoses » d’Ovide. Selon la psychanalyse, Narcisse ne reconnaît pas sa propre image dans l’eau où il se contemple, car il n’est pas pas différencié de l’autre (M.F. Hirigoyen « Les Narcisse »). C’est le vécu du petit enfant dans la relation fusionnelle avec sa mère et son environnement. Il n’est pas encore un sujet, avec une identité, une pensée propre. Dans cette fusion, il se sent tout puissant et son imaginaire n’a pas de limites. Cette fusion aimante, réconfortante et empathique est nécessaire pour qu’il éprouve de la sécurité intérieure. Il peut ainsi développer un narcissisme sain, créateur. Il reconnaît, écoute ses émotions, ses besoins, ses désirs et ses limites. Il a la capacité de réguler ses émotions et de prendre soin de ses besoins. Il vit des relations basées sur la confiance acquise dans sa première relation de sécurité avec sa figure principale d’attachement. Lorsqu’il se différencie de sa mère, l’enfant peut construire son identité au travers des échanges, car il intériorise certaines qualités d’autrui. C’est possible si l’enfant peut idéaliser ses parents. L’enfant construit ses valeurs, ses idéaux à partir de ceux de ses parents et de sa culture.
Si les parents manquent d’empathie, d’amour, ou font preuve de négligence, de maltraitance émotionnelle (humiliation, dévalorisation, culpabilisation, instrumentalisation, intrusion, moqueries, critiques destructrices, indifférence aux émotions, ...etc), l’enfant ne peut les idéaliser. Il grandit dans un état d’insécurité. Son cerveau reptilien déclenche des mécanismes de survie : combattre, fuir, se figer.
Les traumatismes engendrés par ces relations parentales insécurisantes favorisent un trouble de l’attachement évitant, un évitement des émotions, un stress important et un vide intérieur. L'enfant doit nier sa souffrance insupportable grâce à des comportements de survie. En grandissant, il lutte contre l’insécurité par le combat essentiellement, mais aussi par la fuite dans des dépendances (écrans, alcool, travail, jeu, achats compulsifs, alimentation).
Le narcissisme pathologique se construit sur la base du contrôle et de l'évitement de ses émotions. L'individu domine autrui par ses critiques, de la dévalorisation, de la culpabilisation, des humiliations. Il répète le mode d'attachement de ses parents en se comportant de façon indépendante, c'est à dire ne compter sur personne. Il fuit l'engagement émotionnel et affectif, mais il risque ainsi de recourir à des dépendances pour anesthésier la souffrance du vide affectif et de la non-satisfaction de ses besoins profonds.
Une fois adulte, il développe parfois un narcissisme grandiose. Cela se traduit dans la relation aux autres par le fait de dénigrer autrui pour se revaloriser. L’individu se considère supérieur pour nier son sentiment d’infériorité. Il méprise et écrase autrui. Le DSM5 décrit le trouble de la personnalité narcissique pathologique : Le sujet réagit aux critiques par des sentiments de rage, de honte ou d’humiliation de l’autre . Il exploite autrui dans les relations interpersonnelles . Il a un sens grandiose de sa propre importance . Il pense que ses problèmes sont uniques et ne peuvent être compris que par des gens exceptionnels . Il est absorbé par des fantaisies de succès illimité . Il a le sentiment que les choses lui sont dues. Il réclame une attention et une admiration constante . Il manque d’empathie émotionnelle. Il manifeste une incapacité à reconnaître et à ressentir ce qu’éprouvent les autres. Il est préoccupé par des sentiments d’envie et de jalousie. Il y a un continuum dans la gravité de ce trouble dont l’extrême est la perversion narcissique. La perversion narcissique s'en distingue par son machiavélisme, son calcul et son organisation dans la destruction de l'autre. L'impulsivité, la problématique de l'estime de soi (surestime ou mésestime de soi) du narcissisme pathologique n'y trouve pas sa place En effet, le pervers narcissique a un bonne évaluation de ses compétences et des situations. Cela le rend redoutable comme stratège dans sa guerre contre autrui.
Parfois, l’individu cache son sentiment de supériorité par des comportements de manipulation et de victimisation. Son narcissisme caché/vulnérable le pousse à se plaindre et à se soumettre à cause d'un manque d'estime de soi. Il culpabilise l'autre. Anxieux, parfois dépressif, il se montre réservé, en retrait. Il ressent la honte de ne pas être soi, un sentiment d'illégitimité, contrairement à l’individu au narcissisme grandiose qui la projette en l’autre par la dévalorisation. Cette personne retourne son agressivité contre elle-même, plutôt que contre autrui en cas de critique, car elle manque d'estime de soi et se culpabilise, contrairement au narcissisme grandiose. Par exemple, elle se reproche de n'être "pas assez ...". Son hypersensibilité à la critique et au rejet la pousse au repli. C'est pourquoi elle ne se bat pas pour dominer et obtenir le leadership, contrairement au narcissique grandiose. Elle évite les conflits, car elle croit qu'elle ne peut être reconnue pour ce qu'elle est. Elle adopte un "faux self", des comportements suradaptés pour plaire et obtenir ce qu'elle veut.
Le sujet au narcissisme caché/vulnérable, exprime indirectement l'agressivité consécutive à la frustration, à la non satisfaction de ses besoins et désirs à travers des comportements passifs. Par exemple, il peut faire des insinuations, avoir des expressions non-verbales agressives. Il va les nier si elles sont mises en évidence par son interlocuteur. Voici quelques comportements passifs-agressifs typiques : colère exprimée indirectement ; ambiguïté ; refus de l'autorité ; évitement de la compétition ; inefficacité intentionnelle ; tendance à vouloir créer des situations chaotiques ; inventer des excuses ; mensonge ; obstructionnisme; procrastination ; ressentiment ; résistance aux suggestions des autres ; sarcasme ; entêtement ; morosité.
Les points communs entre sujet narcissique grandiose et caché sont les fantasmes de réussite, d’être le meilleur, de l’égocentrisme, des exigences élevées envers autrui et le sentiment que tout est dû. Dans les deux types de narcissisme patholgique, on peut observer une incapacité à supporter les échecs, les conflits et les critiques. Cette incapacité et le manque d’empathie émotionnelle rendent la coopération difficile avec eux.
Le sentiment de honte est présent dans le narcissisme grandiose comme dans le narcissisme caché, mais il est inconscient chez le premier. Son arrogance et son mépris l'en protègent. La honte est un sentiment qui résulte d’une non-adaptation à certaines exigences sociales, que ce soit au niveau des codes sociaux, de l’image, de l’apparence physique, ou d’attitudes collectives, comme par exemple, le mépris pour la grosseur. Le sentiment de honte se différencie des autres par sa dimension sociale, narcissique, corporelle et spirituelle. Il associe des émotions pénibles (peur, tristesse, angoisse, dégoût) à un autre sentiment, comme par exemple, le sentiment d’impuissance, d’incapacité, d’insécurité ou de vide. La honte est plus archaïque que la culpabilité, car elle est moins verbale. Elle est plus sensorielle et corporelle, comme par exemple, les yeux baissés et la tête basse. Elle se traduit dans le comportement par une immobilisation du corps. Elle apparaît quand nous nous sentons atteints dans notre intégrité, dans notre dignité. Elle est vécue de soi à soi. La culpabilité est le sentiment d’avoir commis une faute répréhensible, quelque chose de mal. Elle est liée au regard des autres.
Selon les évènements de vie, le sujet peut osciller entre narcissisme grandiose et vulnérable.
On peut évoluer heureusement d’un style d’attachement insécure à un style d’attachement sécurisant. Des rencontres bienveillantes où le sujet se sent entendu, compris, écouté pour ce qu’il est, peuvent aider une personne à changer. L’attitude bienveillante est sans jugement, empreinte d’empathie et de compassion. Elle reconnaît positivement les émotions et les besoins. C’est cette reconnaissance positive que le sujet au narcissisme pathologique recherche, mais à travers des comportements insécurisants pour les autres. Il ne peut faire l’expérience de relations sécurisantes en mobilisant ses défenses pour se protéger. La résilience passe par une relation d’attachement sécurisante.
Soigner son narcissisme grandiose implique de prendre conscience, dans un premier temps, que ses comportements peuvent entraîner des conséquences négatives sur ses relations, notamment le risque de faire fuir les autres et de se retrouver seul.
Ensuite, il peut découvrir que ce qu’il a vécu dans son enfance ou son adolescence correspond à des circonstances traumatiques, pas normales. Souvent, il idéalise son passé : « J’ai vécu une enfance parfaite, idéale ». Ce mécanisme de défense lui a permis de survivre à ses traumatismes, mais au détriment de la connexion avec son corps, ses émotions et ses besoins.
Apprendre à identifier ses émotions est possible et une activité psycho-corporelle favorise ces prises de conscience : ostéopathie, shiatsu, danse, yoga, sport, ...etc. L'expression des émotions implique une reconnaissance de sa vulnérabilité, de son imperfection et de ses limites. Ce n'est pas de la faiblesse comme le considère souvent un sujet narcissique, mais c'est une condition nécessaire pour être en lien avec soi et autrui, pour dialoguer, s'aimer et aimer.
Prendre soin de ses besoins s'apprend également. Il peut s'autoriser à écouter ce qui est important pour lui, ce qui le rend épanoui et heureux. La capacité à demander et compter sur l'autre nécessite une remise en question de la croyance acquise dans l'enfance et transmise par le comportement du parent : "Débrouille-toi !".
Soigner le narcissisme pathologique grandiose et caché nécessite de développer son intériorité, un dialogue avec soi. Identifier les parts de soi défensives et blessées est possible afin de guérir l'enfant intérieur nié. Reconnaître son existence et prendre soin de ses besoins passe par la reconnexion au corps.
Pour en savoir plus sur le narcissisme pathologique et la perversion narcissique, vous pouvez lire son dernier ouvrage "Le narcissisme créateur ou destructeur ?", éd. Ellipses, col. 100 questions/réponses.
Si cette description vous parle vous pouvez contacter Christine Calonne psychologue psychothérapeute à Namur et à Charneux : +32 42 90 58 14. Vous pouvez lui écrire sur son formulaire contact : https://www.psychotherapie-calonne.be/contact-psychologue-psychoterapeute.php. Elle reçoit également en visio.