Vous êtes ici : Accueil > Actualités > De la sidération à l'affirmation de soi face à une relation d'emprise

De la sidération à l'affirmation de soi face à une relation d'emprise

Le 05 janvier 2024
De la sidération à l'affirmation de soi face à une relation d'emprise
L'état de sidération après la relation d'emprise peut persister. La régulation du système nerveux et des émotions permet de le transformer afin d'acquérir les ressources internes ou externes nécessaires à l'affirmation de soi.

A. L'état de sidération dans la relation d'emprise


L'état de sidération est un état de figement de notre système nerveux face à une situation de danger. Notre corps est immobilisé, paralysé par la peur, le sentiment d'impuissance. Cela entraîne une perte d'expression, de capacité à penser. Le corps se soumet  face à l'agression violente. Dans une relation d'emprise psychologique et émotionnelle, la victime est confrontée à des violences psychologiques. Parfois, s'y ajoute de la violence physique, économique ou sexuelle.

La sidération est un mécanisme de protection utile lorsqu'une personne ne peut faire face à un agresseur plus puissant, par exemple sur le plan physique. Elle se fige et se coupe de son corps pour ne pas sentir la douleur, pour ne pas être submergée par la peur de l'impuissance, d'être incapable ou seule. C'est la dissociation, possible grâce à la sécrétion d'endorphines. Ces hormones anesthésient le corps et permettent ainsi de survivre au moment du traumatisme. Durant la relation d'emprise, cela permet à la victime de s'effacer, de "faire le mort" pour éviter davantage de violences, car elle a perdu toute estime de soi, toute confiance en soi face au harcèlement moral qu'elle subit. Devenue dépendante à force d'être dévalorisée et isolée, elle s'enferme dans la relation d'emprise.

C'est l'histoire de Jeanne, victime de violences conjugales. Son ex-mari, dominateur, l'a harcelée durant leur vie conjugale, d'abord par de la violence psychologique et verbale, puis par de la violence sexuelle et physique. Son système nerveux est en état de sidération, avec un état dissociatif quand elle vient me consulter. Jeanne se coupe de son corps pour ne pas être submergée par la peur de l'impuissance et d'être incapable. Hypo-activé, son système nerveux la pousse à manger, car elle n'a pas d'énergie et de confiance en elle. Jeanne se sent nulle et faible. Elle s'immobilise comme une enfant qui essaye de se faire toute petite. Sa posture exprime la honte et la culpabilité par le voûtement de son dos et de ses épaules. Son plexus est bloqué et elle n'ose pas s'affirmer.

C'est ainsi qu'elle a supporté le harcèlement de son mari sans rien dire. C'était d'autant plus difficile qu'il avait une aura charismatique à l'extérieur. Il séduisait les gens par son discours religieux, ses vidéos YouTube, ses prières pour sauver les autres. Mais, il en abusait ensuite tant sur le plan sexuel que financier. Il corrompait ses "fans" avec l'argent pour en faire tout ce qu'il voulait grâce au chantage. Il savait les hypnotiser. Elle avait d'ailleurs elle-même été fascinée au début par ce personnage. Mais, lorsqu'elle a osé dire "oui, mais ...", elle a découvert l'autre face de son personnage. Elle n'osait pas porter plainte par crainte de ne pas être crue. Pourtant, elle souffrait énormément de cette relation, car il refusait qu'elle prenne son bébé dans ses bras, qu'elle l'allaite. Il la dénigrait devant le bébé "Tu vois, ta maman est moche". Il la dévalorisait de plus en plus. Il l'a isolée de sa famille et de ses amis, en les traitant de toxiques. Il la terrorisait, par exemple, en roulant à toute allure avec le bébé assis à l'arrière. 

B. L'état de sidération après la relation d'emprise

Cependant, à la sortie de la relation d'emprise, l'état du système nerveux de la victime reste le même alors qu'il n'y a plus de danger. Cet état devient une nouvelle source de problèmes, car elle ne sait plus se mobiliser pour prendre soin d'elle, revivre grâce à la connexion à ses ressources internes ou externes. Elle reste repliée sur elle-même, dans la honte et la culpabilité, se sentant incapable et nulle, comme son agresseur lui a exprimé pendant parfois des années. Elle reste terrorisée et redoute une nouvelle relation amoureuse.

Jeanne est restée en état de sidération après sa fuite de la demeure conjugale avec son bébé. Elle a subi des menaces de mort. Elle a finalement porté plainte. Mais, elle craint le passage au tribunal et l'expertise concernant la garde de l'enfant, car elle est paralysée de peur à l'idée d'être face à lui. Elle n'a pas pu être dans l'affirmation de soi lors du premier passage au tribunal. Malgré deux années de psychothérapie verbale, cela ne s'est pas amélioré.

C. Réguler son système nerveux pour s'affirmer

J'explique à Jeanne que cet état de sidération l'a aidée à survivre et qu'il est important de le respecter, ne pas le juger. Mais, je lui explique aussi, qu'aujourd'hui, il est possible de rétablir de la sécurité en elle grâce à la régulation de son système nerveux.

Par exemple, elle apprend avec moi la respiration de la cohérence cardiaque, avec des expirations prolongées pour s'apaiser. Elle se balade dans la nature, une heure par jour, avec son fils pour s'apaiser. Elle joue avec lui. Elle choisit une heure pour "ruminer" sur la situation plutôt que d'y penser constamment. Elle a appris à s'ancrer dans son environnement, puis dans son corps pour y trouver la sécurité.

Elle découvre les mécanismes de survie, combattre, fuir et se figer. Je l'aide à les identifier et à reconnaître les peurs contre lesquelles ils tentent de la protéger afin de les apaiser. Je l'aide à mobiliser des ressources de sécurité et d'estime de soi grâce à la psychothérapie EMDR et l'approche de la thérapie polyvagale pour faire face au tribunal, à son ex-conjoint à l'espace-rencontre, pour son fils. En parallèle, nous travaillons les traumatismes par l'exposition progressive à la situation. Elle revient fière d'elle du tribunal, car elle a pu s'affirmer aisément devant la Juge et son ex. Elle a même pu le fixer du regard.

Nous avons également pu désensibiliser les traumatismes plus anciens qui ont conditionné cette relation d'emprise, comme l'abus sexuel par son frère durant son enfance, la relation froide et rigide avec son père, aux comportements manipulateurs à son égard.

En désensibilisant ses traumatismes, Jeanne a retrouvé plus de connexion avec ses émotions, ses besoins. Elle écoute mieux son ressenti pour satisfaire ses besoins. Elle se sent plus capable de revenir rapidement à un état de sécurité si elle est à nouveau anxieuse. Elle se remet moins en question et a acquis des capacités d'affirmation de soi, car son estime d'elle-même, sa sécurité intérieure est meilleure. 

Pour en savoir plus, vous pouvez lire "Les victimes de pervers narcissiques, guérir le traumatisme", éd. Ellipses, col. Récits et témoignages.

D. Contact

Si cette problématique vous parle, vous pouvez contacter Christine Calonne, psychologue psychothérapeute à Namur et à Charneux, sur son formulaire contact ou par téléphone +32 42 90 58 14.